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Le 9 décembre 2010, la Commission européenne de l’agriculture et du développement rural a adressé au Parlement européen et au Conseil europé
EMB - EUROPEAN MILK BOARD
ANALYSE DES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPEENNE
POUR LE MARCHE LAITIER1
1. CONTEXTE
Le 9 décembre 2010, la Commission européenne de l'agriculture et du développement rural a adressé au Parlement européen et au Conseil européen des propositions visant à la stabilité du marché laitier. Elle réagissait à la crise chronique du marché laitier et aux protestations des producteurs laitiers européens qui s'en suivirent à l'échelle européenne pour dénoncer une politique laitière de déstabilisation. L'analyse cidessous examine la faisabilité des propositions de la Commission et leurs répercussions sur le secteur du lait.
1.1 Origines de la crise
La crise du secteur du lait se manifeste par une forte fluctuation des prix à la production, qui sont en règle générale trop faibles pour couvrir les frais de production. Cette situation a pour conséquence de chasser la production laitière de régions entières de l'UE et de la concentrer dans les régions dites à bas coûts. Une production laitière couvrant tout le territoire appartient de plus en plus aux reliques du passé. Ce faible niveau des prix à la production s'explique par la présence sur le marché laitier d'un excédent structurel. Cet excédent affaiblit la position des producteurs laitiers sur le marché. Les producteurs n'ont aucune possibilité d'endiguer la surproduction de leur propre chef pour réagir à la situation du marché. Ce problème est visible en permanence et s'est aussi particulièrement manifesté après la forte chute des prix de l'année 2009. Les réductions de la production réalisées en réaction au faible niveau des prix n'ont pas été suffisantes à l'échelle européenne. Le marché n'est pas en mesure d'effectuer ces ajustements à lui seul. D'une part, parce que l'élasticité des prix de l'offre, c'est à dire la réaction de l'offre à la fluctuation des prix, est sur le court terme toujours faible dans le secteur laitier. En raison de la spécificité des produits agricoles, la production ne peut s'adapter comme il faudrait à une baisse ou une hausse des prix. En 2009 aussi, la production n'a donc baissé dans une partie des régions européennes qu'après un large délai. D'autre part, la disparition des quotas prévue par la politique européenne pour l'année 2015 a déjà eu des répercussions négatives sur les développements du marché. L'augmentation des quotas d'un pour cent qui a été fixée par l'UE a provoqué une hausse de la production dans certaines régions à bas coûts. Ainsi, après la chute des prix, la production se mettait à baisser au bout d'un certain délai dans des régions européennes tandis qu'elle augmentait dans les régions à bas coûts, ce qui favorisait encore le « processus de substitution ».
Outre le problème des excédents, le déséquilibre dans la configuration du secteur laitier affaiblit la position des producteurs laitiers et crée de fortes difficultés. Les 950 000 producteurs laitiers de l'UE (2009) sont
Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil Bruxelles, le 9 décembre 2010 pour la plupart de petites exploitations et microentreprises. Ils sont peu regroupés et agissent seulement à l'échelle régionale. Ils font face à 5400 transformateurs dont plus de 90 pour cent sont des dites microentreprises ou laiteries de niche. Les dix plus grandes laiteries transforment environ 30 pour cent de la production laitière. En raison de ce déséquilibre du marché, les producteurs n'ont rien en main pour s'opposer à la pression des prix exercée par les transformateurs. Il en résulte des prix qui sont bien en dessous d'un niveau rémunérateur.
Contrairement aux déclarations faites par la Commission européenne dans ses propositions du 9 décembre, le filet de sécurité instauré par l'UE n'a pas pu maîtriser la crise. La perte en revenus des producteurs n'a pu être vraiment atténuée. C'est ainsi entre autres que les producteurs laitiers de France ont en 2009 perdu en moyenne 54 pour cent de leurs revenus.
Au Danemark, les producteurs laitiers enregistraient dans leur résultat d'exploitation un moins de 126 000 euros par rapport à l'année précédente.
1.2. Une politique européenne déstabilisante au détriment des éleveurs et consommateurs
Pour les producteurs laitiers d'Europe, l'instabilité de cette situation met véritablement en danger la survie de leur exploitation. C'est dans ce contexte que les protestations des producteurs laitiers européens ont en 2008 comme en 2009 atteint leur apogée dans une grève du lait qui a été suivie dans un grand nombre de pays européens. En 2009, dans huit pays, 500 millions de litres de lait environ ont ainsi été déversés sur les champs ou non pas été livrés aux laiteries. Il s'est déroulé dans toute l'Europe des actions de protestation telles que blocages d'autoroutes et de laiteries, manifestations aux portes d'institutions politiques, feux de protestation et déversements de lait. La pénurie de l'offre causée par cette grève du lait, qui, physiquement comme financièrement, a été lourde à porter pour les éleveurs grévistes, a entraîné une légère hausse des prix. Mais avant tout, elle a montré à la classe politique européenne qu'il y avait urgence à agir sur le marché laitier européen. La ligne politique poursuivie jusque là favorise l'instabilité de tout le secteur.
En particulier au regard des consommateurs, il est préjudiciable de suivre une politique qui ne soit pas axée sur la stabilisation des prix à la production. En effet, les fortes fluctuations de prix entraînent des mécanismes qui profitent en particulier aux transformateurs et augmentent leurs marges de bénéfice. C'est ainsi que les hausses des prix sont répercutées sur les consommateurs alors que souvent la baisse des prix aux producteurs n'entraîne par contre pas la baisse du prix à la consommation.
Comme le montre le graphique ce sont les pays dotés de systèmes libéraux qui affichent un écart entre les prix aux producteurs et les prix aux consommateurs particulièrement élevé. Ce tableau montre un panier de produits laitiers comparables sous des conditions de marché différentes. Ainsi, c'est sur le marché règlementé du Canada que le prix à la production est le plus élevé alors que le prix à la consommation y est bien plus faible qu'aux États-Unis où le marché laitier est peu règlementé. Le prix à la consommation est au Canada à peine plus élevé qu'en Grande-Bretagne. En Grande-Bretagne, le pourcentage du prix qui revient au producteur laitier est toutefois bien plus faible.
Eurostat: « From grass to glass; a look at the dairy chain ». 76/2008. 13.08.2008, p. 4
LEI Wageningen (2006): « European dairy policy in the years to come: impact of quota abolition on the dairy sector ». The Hague, p. 13
France Agricole, 14.12.2009:
http://www.lafranceagricole.fr/actualite-agricole/revenu-agricole-2009-une-chute-de-32-avec-un-retour-20-ans-en-arriere-20893.html!(date d'accès 7.12.10)!
(organisation danoise pour les producteurs laitiers et éleveurs de bovins)
http://www.vfl.dk/Afdelinger/Kvaeg/Kvaeg.htm (date d'accès 7.12.10)!
Graphique 1: Le pourcentage sur le prix à la consommation Source : Dairy Farmers of Canada Le graphique 2 montre les fortes fluctuations des prix à la production sur le marché libéralisé des États-Unis ainsi que dans l'UE en opposition à l'évolution stable des prix sur le marché règlementé du lait au Canada.
Graphique 2: Prix à la production entre 2007 et 2009
Source : Dairy Farmers of Canada
2. ANALYSE DES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION
Comme le montre clairement le chapitre précédent, il y a urgence à stabiliser le marché laitier au moyen d'instruments appropriés et à prévenir des crises chroniques de prix. Cet objectif ne saurait être réalisé au moyen des instruments présentés par la Commission européenne. Toutefois ce n'est pas dans l'analyse des origines de la crise que ce document est en défaut. Le diagnostic qu'il y est fait des problèmes est en partie pertinent. Ainsi, la Commission parle-t-elle entre autres d'un « déséquilibre du pouvoir de négociation » et d'une « certaine rigidité du marché » qui est « susceptible de mener à de graves déficiences dans l'adaptation de l'offre à la demande, ainsi qu'à des pratiques commerciales déloyales »
Le problème réside donc plutôt dans les conclusions que tire la Commission européenne de cette analyse et en partie également dans son manque de volonté à appliquer bien rigoureusement les instruments. Renforcer par la législation la position sur le marché des associations des producteurs est fondamentalement la bonne voie. Le taux de regroupement maximum de 3,5 % à l'échelle européenne et de 33 pour cent à l'échelle nationale ne saurait toutefois renforcer la position des producteurs sur le marché. Au contraire : pour les éleveurs de différents États européens, ces faibles pourcentages affaibliraient encore plus leur position. Il est également problématique que ce document de la Commission prévoie de priver les membres de coopératives de ce droit de regroupement.
Les organisations interprofessionnelles (OIP) proposées par la Commission européenne peuvent déjà en soi aider à stabiliser le secteur du lait. Le rôle qui leur est accordé en matière « de recherche, d'amélioration de la qualité, de promotion et de diffusion des meilleures pratiques et méthodes de production et de transformation » n'offre aucune possibilité d'influencer efficacement sur les volumes présents sur le marché. Le point crucial touche toutefois les intérêts opposés que défendent les producteurs et les transformateurs en matière de quantité et de prix des produits sur le marché.
En proposant des contrats facultatifs, la Commission ne contribue pas non plus à renforcer la position des producteurs ni donc à résoudre la crise laitière. Et ce, en raison de l'absence des conditions nécessaires pour permettre des contrats équitables. Une forte concentration côté laiteries faisant face à un grand nombre de producteurs non regroupés : une telle constellation ne permet pas de négociations d'égal à égal. C'est en raison de ce déséquilibre que l'éleveur, le maillon faible du marché, se voit dicter les contrats par les transformateurs.
Seul un marché qui fonctionne bien peut garantir des prix à la production rémunérateurs et satisfaire aux intérêts de la société pour un approvisionnement durable en lait de bonne qualité. À cet effet, il est nécessaire d'orienter l'offre à la demande tout en se basant sur des prix aux producteurs rémunérateurs. La Commission européenne devrait instaurer une agence d´ observation européenne où les acteurs du marché adapteront les volumes sous leur propre chef. Cette instance peut offrir le cadre permettant d'équilibrer les intérêts entre producteurs laitiers et industrie laitière et peut garantir que soient toujours respectés les intérêts de la société.
Les paragraphes suivants analysent en détails les points essentiels du document de la Commission et seront suivis d'un chapitre donnant un aperçu de l'Agence d´ observation.
COM(2010) 728; 2010/xxxx (COD), p. 3
id., p. 3
2.1 Regroupement des producteurs dans des Organisations de producteurs en vue de négociations de contrat
Comme l'a correctement constaté la Commission européenne, le marché laitier est marqué par une forte concentration dans le secteur de la transformation. Il en résulte une faible position des producteurs sur le marché qui explique en partie le niveau extrêmement faible des prix à la production et ouvre la porte à des pratiques commerciales déloyales. C'est pourquoi l'European Milk Board accueille en principe favorablement la proposition de la Commission européenne d'accorder aux producteurs laitiers une meilleure position sur le marché en leur facilitant la possibilité de se regrouper. Il doit toutefois s'agir ici d'une véritable amélioration des possibilités de regroupement. Les plafonds proposés par la Commission européenne qui sont de 3,5 pour cent de la production européenne et de 33 pour cent de la production nationale ne tiennent pas compte des circonstances du marché et n'apporteraient en réalité que peu d'amélioration, restreignant même plus fortement encore les possibilités dont disposent actuellement les producteurs de certains États de l'UE.
Problématique des 3,5 pour cent de regroupement à l'échelle européenne Un regroupement des organisations de producteurs à 3,5 de la production laitière de l'UE signifierait une
limitation à environ 4,7 milliards de kg de lait. C'est bien trop peu car du côté de la transformation, les laiteries comme Arla Foods ou FrieslandCampina possèdent déjà avec 8,7 milliards8 ou 11,7 milliards9 de kg de lait environ 6,5 ou 8,8 pour cent du marché européen. Et elles peuvent de plus continuer sans entrave à croître et à s'approprier encore plus de parts de marché.
Ces laiteries sont par ailleurs des groupes à gestion unique qui peuvent agir de façon plus ciblée qu'une communauté d'exploitations laitières individuelles. Vu la taille des laiteries dominantes sur le marché, il n'est besoin d'aucune entente pour assurer une stratégie unique dans l'achat du lait cru. Aussi, pour répondre à une concentration de par exemple 8 pour cent côté transformation, est-il besoin côté production d'une concentration bien plus élevée afin d'obtenir une position comparable sur le marché. 3,5 pour cent pour les producteurs ne leur seraient pas suffisants pour compenser le déséquilibre. Les positions resteraient inégales.
L'EMB avait ainsi remis à la Commission européenne un projet d'exemption par catégorie fixant à 30 pour cent le taux de regroupement à l'échelle européenne.
Problématique des 33 pour cent de regroupement à l'échelle nationale La proposition de limiter à 33 pour cent le regroupement à l'échelle nationale ne tient pas compte non plus de la situation telle qu'elle règne véritablement sur le secteur national de la transformation. Un des nombreux exemples est le Danemark où le transformateur Arla Foods s'est déjà approprié 95 pour cent des parts du marché.
Il est donc déjà trois fois plus important que ne pourrait jamais l'être une organisation de producteurs comme définie par les propositions de la Commission européenne. L'Irlande en est un autre exemple où seulement trois laiteries dominent le marché laitier.
Rapport d'activité d'Arla 2009: http://www.arlafoods.de/uber-uns/geschaeftsbericht-2009/kennzahlen-im-uberblick/
(date d'accès 6.12.10)
Chiffres FrieslandCampina : http://www.campina.de/uber-uns.aspx (date d'accès 6.12.10)
Baking + Biscuit 2009 édition 04, p.32
LEI Wageningen (2006): « European dairy policy in the years to come: impact of quota abolition on the dairy
sector ». The Hague, p. 13
Pour suffisamment améliorer la positiondes producteurs, il faudrait ici définir un taux de regroupement des producteurs bien plus élevé. En cas de non prise en compte de ces faits et d'adoption des faibles limites de regroupement de 3,5 et 33 pour cent :
a)
les organisations de producteurs qui sont de petite taille en raison de ces restrictions et n'ayant aucune ou peu d'autres organisations de producteurs autour d'elles, c'est-à-dire un grand nombre de producteurs esseulés, connaîtront de graves problèmes. Car elles auront un pouvoir de négociation insuffisant pour être en mesure de négocier un prix correct en faveur de leurs membres.
b)
Pour le cas où il existe de nombreuses petites organisations de producteurs les unes à côté des autres, la compétition entraînera des pressions sur les prix et empêchera la formation de prix qui puissent assurer la survie des exploitations. Le risque de voir les acheteurs rechercher la matière première la meilleur marché (recherche légitime en soi) en faisant jouer la concurrence entre les différentes organisations est d'autant plus grand que le nombre d'organisations de producteurs sera élevé (comparé au nombre des acheteurs régionaux). C'est ce que l'on peut actuellement très bien observer en Suisse à l'heure actuelle. La concurrence de nombreuses organisations de producteurs sur un marché excédentaire entraîne un niveau de prix à la production qui est bien inférieur aux frais de production et qui menace la survie d'un grand nombre d'exploitations.
Au sein de l'UE aussi, de nombreux exemples sur le terrain témoignent aujourd'hui déjà de la nécessité absolue de rehausser le taux de regroupement maximum : il est produit en Allemagne 30 milliards de kg de lait par an. Tout juste un tiers est actuellement produit par les membres des organisations de producteurs MEG Milch Board (env. 7 Mrd. de kg de lait cru). Malgré ce taux de regroupement à l'échelle nationale de 30 pour cent environ, la MEG Milch Board n'est pas encore en mesure de négocier pour ses producteurs. Or ces 30 pour cent dépasseraient déjà en Allemagne les 3,5 pour cent définis pour l'échelle européenne (4,7 Mrd de kg), preuve que cette limitation est bien trop insuffisante pour la MEG Milch Board et qu'elle restreindrait fortement les objectifs du Milch Board. La limite de 33 pour cent définie pour le regroupement à l'échelle nationale réduirait par ailleurs fortement les possibilités offertes actuellement par la loi aux organisations allemandes de producteurs. En effet, jusqu'à présent, ces organisations peuvent selon la dite loi sur la structure du marché (Marktstrukturgesetz) regrouper de 70 à 80 pour cent du lait national (21 à 24 Mrd de kg)
En Allemagne aussi, les laiteries Humana et Nordmilch sont en train de préparer activement leur fusion et les contrats définitifs devraient être signés déjà début 2011. C'est ainsi que se créera en Allemagne du Nord une entreprise transformant environ 7,5 Mrd de kg de lait cru. Le volume de lait sera alors trop important pour une seule « MEG fournisseur de Humana-Nordmilch » et il risque de se former différents groupements qui pourront être mis sous pression par la laiterie.
Problématique de l'exception des coopératives
Le document sur le marché laitier montre clairement que la Commission européenne a une image des laiteries coopératives qui correspond peu à la réalité. Selon ce document, il serait prévu d'exclure aux membres des laiteries coopératives la possibilité de se regrouper en organisations de producteurs. Il est ici faussement supposé qu'au sein des coopératives, les intérêts de chaque producteur laitier sont respectés en soi. Ce n'est pourtant généralement pas le cas. Car en réalité, dans les coopératives, il n'est tenu compte des intérêts des producteurs laitiers que d'une manière très marginale. La Commission européenne se doit de prendre en considération les expériences faites dans les différents États membres et de ne pas s'appuyer sur des suppositions théoriques loin de toute réalité. Certes, on pourrait effectivement partir du principe que ces problèmes sont en théorie exclus du seul fait que les éleveurs sont en partie propriétaires des moyens de production de leur coopérative.
En examinant les coopératives, il apparaît toutefois que sur le terrain les configurations ne confirment pas cette idée :
- Les exemples européens montrent que les moyens de production ne sont en possession de la coopérative que pour 25 % des cas. Souvent, les moyens de production ont été externalisés sur les groupes d'entreprises, mais parfois aussi ils en ont été totalement dissociés. Ils échappent alors au contrôle direct des coopérateurs.
- Dans un très petit nombre de coopératives, seuls les producteurs laitiers actifs ont un droit de vote. Il existe un très grand nombre d'exemples où 25 à 50 pour cent des coopérateurs ne sont pas des éleveurs actifs. Tout non-producteur laitier est intéressé par une matière première bon marché (à un prix à la production faible) car les fonds sont sinon perdus pour la coopérative.
- Comme le montre l'exemple allemand, les intérêts ne sont pas correctement défendus, et ce souvent parce que dans les assemblées générales, les comités directeurs ont fréquemment recours à l'aide d'associations telles que la fédération des coopératives, l'association laitière et l'association agricole. La direction peut ainsi faire adopter des décisions économiques ou relatives au droit des sociétés en alléguant « l'aide d'experts ». De plus, dans les assemblées générales, la présence des producteurs laitiers se fait de plus en plus rare. En raison d'autres problèmes ou par frustration politique, leur représentation est en Allemagne descendue à 50 pour cent en moyenne.
- Il est également problématique que dans les coopératives, le prix payé aux producteurs se détermine non pas en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise comme il l'est courant dans une économie de marché mais en fonction du marché global / régional. Il en résulte une asymétrie dans la redistribution des gains de l'entreprise aux producteurs. Aux vues de cette problématique, il est absolument injustifiable de ne pas donner aux éleveurs coopérateurs la possibilité de se regrouper au sein d'associations de producteurs au moins pour fixer des règles de vente communes permettant d'aboutir à un prix à la production raisonnable. Une telle exception ne pourrait être acceptable que si preuve avait été faite que les coopératives défendaient les intérêts des membres. Mais la réalité fait preuve du contraire puisqu'au sein des coopératives européennes, le pouvoir réel des producteurs reste marginal. Cet état de faits doit jouer un rôle important dans la réforme du marché laitier.
2.2 Organisations interprofessionnelles
Telles que décrites par la Commission européenne, les organisations interprofessionnelles (OIP) peuvent certainement contribuer à une meilleure transparence mais comme le montre l'expérience, elles ne peuvent opérer en agent de stabilisation du marché. Les expériences tirées du secteur des fruits et légumes montrent ainsi que les prix continuent à connaître de fortes fluctuations. Ces fluctuations sont également dues au faible pouvoir d'influence dont disposent les producteurs au sein de ces organisations.
En Suisse, qui a déjà supprimé les contingentements laitiers en 2009, c'est l'Interprofession Lait (IP Lait) commanditée par le parlement qui agit. Cette association a fixé dans ses objectifs la mise en place d'une gestion des volumes. Une telle gestion n'a toutefois toujours pas été instaurée et le marché suisse connaît de hauts excédents. Ces excédents sont vendus sur les marchés de l'UE et sur le marché mondial à des prix bien inférieurs aux frais de production. Pour assurer aux laiteries des activités toutefois rentables, il a été décidé lors de l'assemblée générale annuelle de l'IP Lait, de créer une segmentation en prix A, B et C. Les producteurs reçoivent ainsi le prix indicatif pour le lait A mais des prix bien plus bas pour le lait déclaré du segment B ou C. Cette décision de l'interprofession suisse est clairement à imputer au faible pouvoir de négociation des producteurs au sein de cet organisme. C'est seulement en étant regroupés dans une propre organisation et en mesure de gérer les volumes de lait en amont de la transformation que les producteurs peuvent améliorer leur position sur le marché laitier et s'assurer un revenu équitable. À l'avenir non plus, les associations interprofessionnelles n'arriveront pas à l'échelle européenne à intensifier suffisamment les échanges entre les différents acteurs de la chaîne de valeur ajoutée du lait pour équilibrer le marché laitier. Comme le montre aussi l'exemple de la Suisse, les intérêts des acteurs sont bien trop divergents pour trouver par cette voie des solutions viables. Une agence de régulation est ici indispensable. Cette dernière a pour fonction d'effectuer un relevé continu et actuel des évolutions des prix, des frais, des volumes et du marché tout en poursuivant l'objectif d'assurer une production laitière durable dans toutes les régions d'Europe. Cette agence définit sur la base des calculs des frais de production une plage des prix cibles qui sert á son tour de référence pour la détermination des volumes à produire. Une offre orientée vers la demande est indispensable pour assurer des prix à la production rémunérateurs et connaît des répercussions sur l'agriculture européenne bien plus positives que les mesures onéreuses financées par le contribuable comme les interventions, les subventions à l'exportation ou les paiements d'urgence. Au sein de cette agence de régulation, dont l'objectif clairement déclaré doit être l'obtention de prix à la production rémunérateurs et de prix à la consommation équitables, il serait possible d'assurer une communication intense entre l'industrie laitière et les associations de producteurs ainsi que les représentants politiques et la société civile. Voir le chapitre 3 pour plus de détails à ce sujet.
2.3 Contrats
Les contrats facultatifs proposés par la Commission européenne entrainent le risque que cette approche facultative pourrait amener à une renationalisation partielle du marché commun. Les distorsions de concurrence parmi les producteurs semblent inévitables. Cependant, le problème des contrats est complexe.
a)
Il est bien connu que les contrats signés entre des partenaires de force inégale ne changent rien à la situation du partenaire le plus faible qui reste défavorisé. Aux vues du taux de concentration régnant du côté des laiteries, les clauses du contrat aussi sont dictées par les laiteries en qualité du partenaire le plus fort sur le marché. C'est ce que le Bundeskartellamt, l'office allemand des ententes, a pu constater dans une étude du secteur.
b)
Il est peu probable que les États européens décident d'imposer des contrats entre les laiteries et les producteurs laitiers qui tiennent compte des frais de production des producteurs. Seule une telle prise en compte pourrait véritablement améliorer la position des producteurs laitiers. Le marché laitier ne s'arrête pas aux frontières des pays. Si un État rend obligatoires des contrats ayant des effets régulateurs sur le marché sans que les autres pays le suivent, il sera en terme de concurrence défavorisé au sein de l'UE. Cette proposition a donc des allures de tigre de papier. Une politique agricole commune ne peut se réaliser au sein de l'UE avec de telles mesures facultatives. Elles ne font au contraire qu'exacerber une compétitivité néfaste entre les États.
c)
La déclaration de la Commission d'exempter les coopératives de l'obligation de conclure des contrats ne saurait être justifiée. L'office allemand des ententes a clairement mis en évidence que c'est en particulier les coopératives qui pratiquent une formation de prix « upside down », l'éleveur recevant alors ce qui, selon la situation du marché, reste sur le marché acheteur. Selon les estimations de l'autorité de concurrence, la formation de prix du haut vers le bas motive moins les laiteries à essayer d'obtenir auprès de leurs propres acheteurs (p. ex. le commerce en détail) de meilleurs contrats qu'il ne serait le cas si elles (les coopératives) devaient d'abord négocier le prix du lait avec leurs coopérateurs ». 12 Ceci valant pour les coopératives à l'échelle européenne. Accorder une exception aux coopératives en supposant à tort que les producteurs y sont mieux lotis ne changera rien à leur position de faiblesse. Cette erreur est d'autant plus fatale qu'un haut pourcentage des producteurs laitiers de l'UE fait partie de coopératives, 58 % du lait européen étant transformé dans les laiteries coopératives.13.
Pour toutes ces raisons, l'European Milk Board ne peut que rejeter les contrats. Si le secteur du lait devait à l'avenir, être uniquement réglementé par des contrats entre producteurs et transformateurs, ces contrats devront respecter un minimum de critères. Exigences minimales pour des conditions contractuelles entre éleveurs et transformateurs dans le secteur laitier
- L'application obligatoire de ces critères minimaux partout dans l'UE,
- Toute la production laitière d'un producteur qui sera contractualisée doit être payée à un prix unique par son acheteur,
- La durée du contrat devraient être définie,
- Le prix défini doit au moins couvrir la moyenne européenne du coût de production complet, pour empêcher le dumping des prix,
- Si le prix défini descend 10% plus bas que le niveau du coût de production complet, le contrat doit être considéré comme caduc,
- Des contrats ne peuvent être conclus individuellement entre éleveurs et transformateurs mais exclusivement avec des Organisations de Producteurs réelles (indépendantes d'une seule laiterie), les coopératives laitières ne sont pas considérées comme des Organisation de Producteurs,
- Les laiteries travaillant avec des contrats s'engagent à ne pas transformer le lait venant de pays-tiers,
- Les contrats doivent être inscrits à l'Agence d´ Observation Européen du Marché Laitier dès leur signature.
- Des standards généraux européens (MG, MP, Cellules, etc) doivent être définis servant à la détermination du prix de base,
- La description des produits laitiers ainsi que les lacto-remplaçants doivent être définis clairement et le non-respect durement sanctionné,
- „Bundeskartellamt" (2009): „Sektoruntersuchung Milch Zwischenbericht" (B2-19/08), http://www.bundeskartellamt.de/wDeutsch/publikationen/Sektoruntersuchung.php, p. 56 ff. (date d'accès 15.12.10)
- 13 COM(2010) 728; 2010/xxxx (COD), p. 9
2.4 Réduction volontaire à la livraison
Dans le Rapport 2010, qui a été publié en complément des propositions de la Commission européenne, il est dit : « En cas de grave déséquilibre, la Commission pourrait envisager comme autre instrument de stabilisation du marché et comme mesure exceptionnelle (si les autres mesures disponibles dans le cadre de l'OCM unique apparaissaient insuffisantes) de mettre au point un système ... qui permettrait aux producteurs de lait, sur la base du volontariat, de réduire leurs livraisons en échange d'une contrepartie. L'expérience de la crise du lait montre qu'il pourrait suffire de retirer du marché 1 ou 2 % de la production laitière globale pour corriger les déséquilibres et rétablir la stabilité ».
En soumettant cette proposition, la Commission européenne reconnaît qu'empêcher la production d'excédent en amont ou la limiter a un effet stabilisant sur le marché. Une orientation importante qui ne laisse pas submerger le marché d'un lait qu'il faut ensuite éliminer à grand frais contrairement aux mesures jusque là effectuées par la politique européenne, augmentations des quotas, subventions à l'exportation et achats à l'intervention. Cette proposition qui a été soumise dans le Rapport 2010 est signe que la Commission européenne reconsidère sa politique. Même si ces réflexions ne vont pas encore assez loin. La Commission devrait plus s'engager encore dans cette ligne de prévention des excédents. Adapter avec flexibilité l'offre à la demande est indispensable pour assurer la stabilité du marché.
2.5 Les secteurs libéralisés comme faux modèles
Pour justifier la libéralisation du marché laitier, la Commission renvoie à plusieurs reprises dans son document à d'autres secteurs pouvant à ses yeux servir d'exemples et ayant déjà vu leurs conditions cadres en grande partie supprimées. Ce qui n'est toutefois pas dit dans ce document, c'est que ces marchés ont à se battre contre de hauts excédents et contre l'instabilité des prix à la production. Un de ces secteurs fortement orientés vers le marché est par exemple le secteur des fruits et légumes. Prendre ici sa libéralisation pour modèle serait une erreur fatale. En effet, ses producteurs aussi connaissent souvent le problème des recettes qui ne couvrent pas les frais.
Comme le montrent les analyses, c'est en particulier pour les fruits et légumes difficiles à stocker que la moyenne des frais moyens de production dépasse la moyenne des recettes.
Aux vues justement des grandes ressemblances entre ces deux secteurs, la libéralisation avec ses effets négatifs ne devrait pas être étendue au marché laitier. Ces marchés ont par exemple pour points communs la faible durée de conservation de leurs produits et des taux élevés de concentration. On compte ainsi dans le secteur des fruits et légumes plus de trois millions de producteurs pour moins d'une centaine d'acheteurs dans la chaîne d'approvisionnement.
Et dans le secteur porcin et volailles également, la volatilité des prix,qui a des répercussions négatives pour les éleveurs et les consommateurs, est à l'ordre du jour. En raison de ces aléas, les acteurs de la chaîne de valeur ajoutée travaillent avec de hautes marges de sécurité qui augmentent fortement les prix à la consommation et baissent clairement des prix à la production.
RAPPORT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL Évolution de la situation du marché et des conditions relatives à la suppression progressive du système de quotas laitiers, déc. 2010, p. 8
ZBG (2007) « Centre pour la gestion économique en horticulture ». 2007 - 50e année, Hanovre
Université Humboldt de Berlin (2008), faculté agricole et horticole, projet de recherche en vue d'une stratégie nationale pour les organisations de producteurs de fruits et légumes en Allemagne, ébauche du rapport final p. 7
Université Humboldt de Berlin (2008), p. 10
2.6 Renforcement de la transparence
L'EMB se félicite des propositions de la Commission européenne de renforcer la transparence. L'envoi d'informations sur les volumes à transformer depuis le transformateur jusqu'à l'échelle européenne est ainsi un aspect important qui devra être respecté aussi à l'avenir. Il est toutefois nécessaire de disposer d'instruments qui permettent à la lumière ces informations de réagir concrètement à la situation du marché.
À cet effet, l'agence de régulation est présentée ci-dessous plus en détails comme instrument capable de stabiliser le marché laitier.
3. APPROCHE DE SOLUTION : AGENCE D´OBSERVATION
En raison de la spécificité de sa configuration et de l'importance du lait dans l'alimentation de la population, le marché laitier ne peut pas être livré à lui-même mais doit se voir doté de conditions cadres mis en place par le pouvoir politique. Dans ce contexte, l'European Milk Board propose la mise en place d'une agence de régulation.
Cette agence d´observation est prévue pour agir au niveau européen. Elle calcule les frais complets de la production laitière en Europe et détermine selon une procédure bien définie le seuil et le plafond du prix à la production ciblé pour 1 kg de lait (à 3,7% de matières grasses et 3,4% de protéines). Il est ainsi fixé une plage des prix cibles dans laquelle le prix moyen du lait devrait se trouver. Selon ce modèle, aucun prix n'est fixé ni prescrit. La formation des prix devrait comme jusqu'ici être librement déterminée par le marché. Dès que le prix du marché n'est plus au sein de la plage des prix définie, seuls les paramètres sont modifiés pour être adaptés (rapport offre/demande) et non pas les prix. Ainsi est garanti sur le futur marché laitier un maximum d'économie de marché.
Si la moyenne européenne du prix à la production passe en dessous du seuil défini, la production laitière européenne sera ralentie progressivement jusqu'à ce que le prix à la production se retrouve dans la plage définie. En cas du prix à la production dépassant le plafond, le volume du lait sera augmenté progressivement jusqu'à ce que le prix à la production se retrouve dans la plage définie. La mise en oeuvre de la régulation des volumes est dans les mains des organisations de producteurs.
Chaque pays membre envoie à l'agence d´observation un représentant des producteurs laitiers et un représentant des consommateurs finals. Des représentants de l'industrie laitière et de la classe politique sont également impliqués à titre de conseillers. L'agence d´observation emploie à plein temps un certain nombre de spécialistes chargés de relever les données requises sur l'évolution des frais de production, la demande, les prix à la production et à la consommation. Il est ainsi répondu au besoin de transparence de tous les acteurs du marché. L'implication de représentants des consommateurs est essentielle pour garantir la transparence des décisions et le respect des objectifs poursuivis par l'agence d´observation. Un tel dispositif permet de nettement renforcer le pouvoir des éleveurs et des consommateurs. La Cour des comptes européenne déclare dans son communiqué de presse d'octobre 2009 relatif au rapport spécial sur le lait : « La concentration des entreprises de transformation et de distribution ne doit pas placer les producteurs de lait dans une situation de preneurs de prix (price takers), et ne doit pas limiter la possibilité pour les consommateurs finals de bénéficier équitablement des baisses de prix ».18 La régulation des volumes fortifie 18Cour des comptes européenne, communiqué de presse du 15 octobre 2009 la position des producteurs laitiers face à l'industrie laitière de transformation, la baisse de la volatilité du marché inhérente au système renforce la position des consommateurs en matière de spéculation commerciale. Le marché peut mieux fonctionner. L'agence d´observation pose ici les conditions cadres en équilibrant les rapports de force et en économisant ainsi l'argent du contribuable qui ne doit plus être dépensé en mesures d'écoulement des excédents et d'aide d'urgence.
4. RESUME
Le traité constitutif de la Communauté européenne a fixé à l'article 33 les objectifs de la Politique agricole commune. Il y est question d'assurer à la population agricole un niveau de vie équitable (par le biais d'un revenu individuel équitable). Cette présente analyse montre clairement que les propositions actuelles de la Commission européenne ne pourront pas permettre d'atteindre cet objectif dans le secteur laitier. Ce n'est pas tout : s'obstiner dans une stratégie de libéralisation n'offre aucune perspective souhaitable aux producteurs mais non plus aux consommateurs et au monde politique. Les processus de concentration et de substitution vont de plus en plus marquer le secteur laitier européen et rendre impossible une production laitière couvrant toute l'Europe.
La politique de l'UE doit plus tenir compte des expériences faites sur le terrain afin de pouvoir juger de la ligne suivie avec réalisme. L'exemple actuel de la Suisse montre que la libéralisation du marché pose de graves problèmes. Depuis l'abandon des quotas en mai 2009, il est produit des excédents et les montages de beurre atteignent dans ce pays alpin des records de hauteur. Les importations de fromage par exemple sont bien supérieures aux exportations (voir graphiques 3 et 4). Ce n'est pas, comme il était souhaité, la production suisse qui a conquis le marché mondial mais exactement le contraire : le marché mondial exploite le marché suisse et les prix à la production sont en chute libre. C'est pourquoi le monde politique est en train de changer sa ligne d'orientation. L'instauration d'un système de gestion des volumes géré par les producteurs reçoit un avis favorable. 16 mois après la suppression en Suisse des quotas laitiers, la grande Chambre du Parlement (Conseil national) a voté le 1er octobre 2010 pour la mise en place d'un régulation des volumes gérée par les producteurs. Chaque producteur devrait selon ce concept garder la possibilité de livrer autant de lait qu'il le souhaite. Il pourra être prélevé par litre dépassant le volume contractuel une taxe de 30 centimes de franc maximum (22 centimes d'euro) qui devrait couvrir les frais de dégagement de ces volumes sur le marché mondial à bas prix. Le volume contractuel devrait se baser sur le quota laitier de la dernière année du contingentement laitier.
http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=ECA/09/63&format=HTML&aged=1&language=DE&guiLanguage=en (date d'accès 15.12.10)
Graphique 3 : Évolution des exportations de fromage en Suisse (fondue tout prête et fromage fondu)
Source : Fédération des producteurs suisses de lait (SMP)
Graphique 4 : Évolution des importations de fromage en Suisse
Source : Fédération des producteurs suisses de lait (SMP)
La même règle vaut pour la Suisse comme pour l'UE : il est du devoir de tout État qui entend abandonner la régulation directe de la production de mettre dans les mains des producteurs laitiers, le maillon le plus faible de la chaîne alimentaire du lait, des instruments efficaces qui leur permettent d'éviter les excédents en agissant en toute autonomie et de leur propre chef. L'agence de régulation serait un tel instrument qui aurait un effet stabilisant pour les producteurs, les transformateurs et les consommateurs. La sécurité et la possibilité de planifier qui sont ainsi données permettent de baisser les frais de protection contre les risques, Tous les acteurs de la chaîne de valeur ajoutée sont alors en mesure d'optimiser leurs performances. Les frais économisés permettent d'obtenir de meilleurs prix aussi bien pour les producteurs que pour les consommateurs.
L'Australie aussi doit se battre contre les conséquences de la dérégulation (voir à cet effet le graphique 5).
Elle est actuellement en train de repenser le système libéralisé afin de contrecarrer les prix à la production extrêmement bas et les prix élevés à la consommation. Parmi les pays en transition se comptent également les Etats-Unis où les producteurs subissent depuis 20 ans de fortes fluctuations sur le marché laitier. Le passage à un système de gestion des volumes fait actuellement l'objet d'un débat à l'échelle nationale. Ces exemples montrent une chose : une gestion des volumes est indispensable ! Les erreurs commises par ces pays ne devraient pas se répéter en Europe. La situation sur le marché laitier européen est bien trop précaire et c'est le modèle européen d'une agriculture multifonctionnelle qui est en jeu.
Graphique 5 : Influence de la dérégulation du marché laitier australien sur le prix à la consommation et le prix à la production (année 2000)
- Prix à la consommation
- Prix à la production
Source : Dairy Farmers of Canada
Le marché du lait européen - régulation des volumes par le biais d'une instance de surveillance
I. Argumentation
Le marché du lait européen se distingue par une structure très particulière. Du côté des producteurs, il est caractérisé par une concurrence acharnée simultanément à une grande transparence et une forte interchangeabilité (le lait comme matière première). Du côté de l'industrie laitière et, en particulier, du commerce de détail, il existe une forte concentration au sein d'un petit nombre d'entreprises.
Dans son rapport sur le secteur laitier, évoquant les rapports de force entre les laiteries et les producteurs, le Bundeskartellamt (office fédéral allemand de surveillance des ententes) a écrit «Le rapport entre les producteurs de lait et les laiteries (...) (est) caractérisé par un partage déséquilibré du pouvoir en faveur des laiteries. » Etant donné que « l'échelon du marché des producteurs de lait (...) est fragmenté », mais que « l'échelon du marché des laiteries est plus fortement concentré », les agriculteurs « n'ont [selon ce rapport] aucun pouvoir de marché significatif ». La faible position des agriculteurs sur le marché est surtout imputable, toujours selon l'office de surveillance des ententes, à l'absence d'influence exercée jusqu'à ce jour sur la formation des prix. A ce propos, selon l'office de surveillance des ententes, la situation des agriculteurs regroupés au sein de laiteries coopératives n'est en aucun cas meilleure. Le rapport déclare en effet: « Une formation des prix du point de vue des producteurs (« bottom up ») n'a lieu - si tant est que cela soit même le cas - qu'entre des laiteries privées, une formation des prix « upside down » (« le producteur reçoit ce qui reste, selon le chiffre d'affaires, sur les marchés de débouchés ») s'effectuant actuellement dans le rapport des laiteries coopératives vis-à-vis de leurs membres. » Selon l'estimation des anges gardiens de la concurrence, cette formation des prix du haut vers le bas offre « peu d'incitations » pour les coopératives « à chercher à obtenir » auprès de leurs clients (par exemple le commerce) « un meilleur prix que si elles (les coopératives) négociaient tout d'abord le prix de paiement du lait avec leurs membres ».
De même, dans son communiqué de presse relatif au rapport spécial sur le lait d'octobre 2009, la Cour des Comptes de l'UE déclare : «La concentration des entreprises de transformation et de distribution ne doit pas placer les producteurs de lait dans une situation de preneurs de prix (price takers), et ne doit pas limiter la possibilité des consommateurs finals de bénéficier équitablement des baisses des prix.»
Les producteurs de lait et les consommateurs finaux sont actuellement les maillons les plus faibles dans la chaîne de valeur et dans la chaîne d'exploitation du lait. Par rapport aux autres acteurs du marché laitier, ils doivent être confortés dans leur position afin que l'on parvienne à 1 En Europe de l'Ouest, les dix plus grandes chaînes de supermarchés accaparent une part de marché qui frôle les 40 % (Vorley 2007:9). A l'échelon des différents états membres, la concentration est encore plus flagrante : en Allemagne et en France, en 2007, les cinq plus grandes chaînes de distribution détenaient une part de marché de 70 % (Agribusiness Accountability Initiative 2007).
Bundeskartellamt (2009): Sektoruntersuchung Milch Zwischenbericht [Analyse sectorielle sur le lait - Rapport intermédiaire]
(B2-19/08), http://www.bundeskartellamt.de/wDeutsch/publikationen/Sektoruntersuchung.php
un fonctionnement de bon aloi du marché. Seul un tel marché est en mesure de garantir des prix producteurs de lait rémunérateurs et de garantir, dans l'intérêt de la société, un approvisionnement durable avec un lait de grande qualité. Il est impératif d'adapter les volumes produits à la demande. Pour cela, la Commission de l'UE devrait créer une instance de surveillance européenne. Celle-ci pourrait constituer le cadre à une péréquation des intérêts entre les producteurs de lait et l'industrie du lait et garantir que les intérêts de la société soient bien respectés.
II. Composition
L'instance de surveillance est conçue pour agir au niveau européen. Chaque pays membre envoie un représentant des producteurs de lait. Les consommateurs sont également impliqués dans l'instance de surveillance, avec un statut d'observateur, et garantissent ainsi que leurs intérêts et les objectifs de la politique agricole européenne soient respectés. Des représentants de l'industrie des laiteries font profiter de leur expertise en ce qui concerne les développements survenant sur le marché. En outre, l'instance de surveillance a des spécialistes travaillant à temps plein, qui collectent les bases de données nécessaires en ce qui concerne le développement des coûts de production, la demande ainsi que les prix producteurs et consommateurs, qui procèdent au calcul du corridor de prix de référence et, en coopération avec l'administration européenne, qui garantissent la mise en oeuvre et la surveillance des mesures adoptées. Les milieux politiques communautaires assument ainsi une espèce de patronage quant à une configuration judicieuse du marché du lait et réunissent ainsi les préalables à une production de lait durable en Europe.
III. Mode de fonctionnement
Les représentants de l'instance de surveillance établissent les coûts totaux de la production de lait en Europe et, selon un processus bien défini, déterminent les valeurs limites inférieures et supérieures du prix producteurs auquel il convient d'aspirer pour 1 kg de lait avec 3,7 % de matières grasses et 3,4 % de protéines. On obtient ainsi une base de comparaison (corridor de prix de référence) (fig. 1) dans laquelle devrait se trouver le prix du lait moyen à l'échelle européenne. Selon ce modèle, des prix ne sont ni déterminés ni prescrits. La formation des prix doit, comme auparavant, s'effectuer librement par le biais du marché. Si le prix pratiqué sur le marché sort hors du corridor prescrit, seuls les paramètres (rapport entre l'offre et la demande) sont adaptés, mais pas, en revanche, le mécanisme de formation des prix lui-même. Ceci garantit donc un maximum d'économie de marché.
Le Parlement européen, lui aussi, dans le rapport Bové, exhorte la Commission de l'UE à développer de nouvelles propositions de lois afin de réformer le droit de la concurrence et, ainsi, de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs et de permettre une meilleure organisation des exploitations de petite et moyenne taille, par exemple sous la forme d'organisations producteurs. En outre, le rapport met en exergue la signification de prix rémunérateurs.
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2010-0302+0+DOC+XML+V0//FR
Fig.1 Exemple d'un corridor de prix de référence (37 - 43 cents/kg de lait corrigé en matières grasses)
Si le prix producteurs de lait moyen à l'échelle européenne dépasse le plafond de prix, le volume de lait est majoré graduellement jusqu'à ce que le prix producteurs moyen redescende dans le corridor. Si le prix producteurs tombe en deçà de la limite inférieure du corridor, la production de lait européenne est graduellement réduite jusqu'à ce que le prix producteurs se trouve de nouveau dans le corridor. Etant donné que le prix du lait réagit déjà à des fluctuations des volumes de 1 à 2 %, si l'on observe en permanence le marché et prend les mesures qui s'imposent quant à la production de lait, seuls des ajustements mineurs seront respectivement nécessaires.
Il est important que des représentants des consommateurs soient intégrés à ce processus de manière à garantir la transparence des décisions prises et leur conformité avec les objectifs de l'instance de surveillance.
IV. Préalables
La condition sine qua non au bon fonctionnement de ce système sont la pérennité d'une limitation des volumes au sein de chaque exploitation ainsi que sa force contraignante générale qui assure que chaque membre des organisations de producteurs nationales ou régionales ainsi que les producteurs de lait individuels respectent les prescriptions de volumes. Un tel système a déjà été introduit avec le quota laitier. Dans le système existant, des modifications graduelles des volumes vers le haut et vers le bas sont déjà mises en oeuvre. Une nouveauté, à l'avenir, sera la modification des volumes en fonction de la situation sur le marché. Pour que cela puisse, à l'avenir, être plus fortement organisé selon les critères de l'économie privée par les producteurs de lait, une réglementation dérogatoire dans le droit européen de la concurrence est nécessaire. Celle-ci doit permettre aux producteurs de se regrouper en organisations de grande taille. Une exemption de groupe pour les producteurs de lait serait un bon instrument pour conforter ces derniers dans leur position sur le marché.
Avant-projet du European Milk Board : « Règlement d'exemption par catégorie pour les producteurs de lait dans le droit de la concurrence européen », sous http://www.europeanmilkboard.org/emb/positions.html
Si l'Europe se déclare disposée à restreindre sa propre production de lait, il y aura alors de bonnes chances aussi, à l'échelon de l'OMC, d'imposer le maintien de la protection vis-à-vis de l'extérieur. Ceci est nécessaire pour protéger la production de lait en Europe et, en corollaire, le marché des produits laitiers contre les importations à bon marché.
V. Mode opératoire et coûts
Hormis des coûts d'administration marginaux, le budget communautaire ne sera pas obéré par des coûts supplémentaires, contrairement aux approches alternatives comportant des éléments comme les payements compensatoires, l'intervention et les restitutions à l'exportation. Sur le plan de l'organisation et des finances, l'investissement est extrêmement faible et peut être pris en charge par tous les états membres, car l'on peut recourir à des structures existantes. La majorité des données nécessaires pour l'établissement du corridor ainsi que les autres données pour le développement du marché peuvent être obtenues par le biais des sondages exhaustifs dont on est déjà en possession, si bien qu'il ne sera pas nécessaire de dépenser de l'argent pour des sondages supplémentaires. Il suffira d'affiner les sondages, de les organiser de manière régulière et de mieux les coordonner.5 Par rapport à tous les modèles alternatifs, ce modèle est celui qui requiert, et de loin, le moins d'efforts d'administration.
VI. Mise en oeuvre pratique - alternatives
a. Par le biais des instruments étatiques existants L'instance de surveillance communique une éventuelle nécessité d'ajustement à la Commission de l'UE, qui la fait entrer immédiatement en vigueur et qui retransmet
I. Argumentation
Le marché du lait européen se distingue par une structure très particulière. Du côté des producteurs, il est caractérisé par une concurrence acharnée simultanément à une grande transparence et une forte interchangeabilité (le lait comme matière première). Du côté de l'industrie laitière et, en particulier, du commerce de détail, il existe une forte concentration au sein d'un petit nombre d'entreprises.
Dans son rapport sur le secteur laitier, évoquant les rapports de force entre les laiteries et les producteurs, le Bundeskartellamt (office fédéral allemand de surveillance des ententes) a écrit «Le rapport entre les producteurs de lait et les laiteries (...) (est) caractérisé par un partage déséquilibré du pouvoir en faveur des laiteries. » Etant donné que « l'échelon du marché des producteurs de lait (...) est fragmenté », mais que « l'échelon du marché des laiteries est plus fortement concentré », les agriculteurs « n'ont [selon ce rapport] aucun pouvoir de marché significatif ». La faible position des agriculteurs sur le marché est surtout imputable, toujours selon l'office de surveillance des ententes, à l'absence d'influence exercée jusqu'à ce jour sur la formation des prix. A ce propos, selon l'office de surveillance des ententes, la situation des agriculteurs regroupés au sein de laiteries coopératives n'est en aucun cas meilleure. Le rapport déclare en effet: « Une formation des prix du point de vue des producteurs (« bottom up ») n'a lieu - si tant est que cela soit même le cas - qu'entre des laiteries privées, une formation des prix « upside down » (« le producteur reçoit ce qui reste, selon le chiffre d'affaires, sur les marchés de débouchés ») s'effectuant actuellement dans le rapport des laiteries coopératives vis-à-vis de leurs membres. » Selon l'estimation des anges gardiens de la concurrence, cette formation des prix du haut vers le bas offre « peu d'incitations » pour les coopératives « à chercher à obtenir » auprès de leurs clients (par exemple le commerce) « un meilleur prix que si elles (les coopératives) négociaient tout d'abord le prix de paiement du lait avec leurs membres ».
De même, dans son communiqué de presse relatif au rapport spécial sur le lait d'octobre 2009, la Cour des Comptes de l'UE déclare : «La concentration des entreprises de transformation et de distribution ne doit pas placer les producteurs de lait dans une situation de preneurs de prix (price takers), et ne doit pas limiter la possibilité des consommateurs finals de bénéficier équitablement des baisses des prix.»
Les producteurs de lait et les consommateurs finaux sont actuellement les maillons les plus faibles dans la chaîne de valeur et dans la chaîne d'exploitation du lait. Par rapport aux autres acteurs du marché laitier, ils doivent être confortés dans leur position afin que l'on parvienne à 1 En Europe de l'Ouest, les dix plus grandes chaînes de supermarchés accaparent une part de marché qui frôle les 40 % (Vorley 2007:9). A l'échelon des différents états membres, la concentration est encore plus flagrante : en Allemagne et en France, en 2007, les cinq plus grandes chaînes de distribution détenaient une part de marché de 70 % (Agribusiness Accountability Initiative 2007).
Bundeskartellamt (2009): Sektoruntersuchung Milch Zwischenbericht [Analyse sectorielle sur le lait - Rapport intermédiaire]
(B2-19/08), http://www.bundeskartellamt.de/wDeutsch/publikationen/Sektoruntersuchung.php
un fonctionnement de bon aloi du marché. Seul un tel marché est en mesure de garantir des prix producteurs de lait rémunérateurs et de garantir, dans l'intérêt de la société, un approvisionnement durable avec un lait de grande qualité. Il est impératif d'adapter les volumes produits à la demande. Pour cela, la Commission de l'UE devrait créer une instance de surveillance européenne. Celle-ci pourrait constituer le cadre à une péréquation des intérêts entre les producteurs de lait et l'industrie du lait et garantir que les intérêts de la société soient bien respectés.
II. Composition
L'instance de surveillance est conçue pour agir au niveau européen. Chaque pays membre envoie un représentant des producteurs de lait. Les consommateurs sont également impliqués dans l'instance de surveillance, avec un statut d'observateur, et garantissent ainsi que leurs intérêts et les objectifs de la politique agricole européenne soient respectés. Des représentants de l'industrie des laiteries font profiter de leur expertise en ce qui concerne les développements survenant sur le marché. En outre, l'instance de surveillance a des spécialistes travaillant à temps plein, qui collectent les bases de données nécessaires en ce qui concerne le développement des coûts de production, la demande ainsi que les prix producteurs et consommateurs, qui procèdent au calcul du corridor de prix de référence et, en coopération avec l'administration européenne, qui garantissent la mise en oeuvre et la surveillance des mesures adoptées. Les milieux politiques communautaires assument ainsi une espèce de patronage quant à une configuration judicieuse du marché du lait et réunissent ainsi les préalables à une production de lait durable en Europe.
III. Mode de fonctionnement
Les représentants de l'instance de surveillance établissent les coûts totaux de la production de lait en Europe et, selon un processus bien défini, déterminent les valeurs limites inférieures et supérieures du prix producteurs auquel il convient d'aspirer pour 1 kg de lait avec 3,7 % de matières grasses et 3,4 % de protéines. On obtient ainsi une base de comparaison (corridor de prix de référence) (fig. 1) dans laquelle devrait se trouver le prix du lait moyen à l'échelle européenne. Selon ce modèle, des prix ne sont ni déterminés ni prescrits. La formation des prix doit, comme auparavant, s'effectuer librement par le biais du marché. Si le prix pratiqué sur le marché sort hors du corridor prescrit, seuls les paramètres (rapport entre l'offre et la demande) sont adaptés, mais pas, en revanche, le mécanisme de formation des prix lui-même. Ceci garantit donc un maximum d'économie de marché.
Le Parlement européen, lui aussi, dans le rapport Bové, exhorte la Commission de l'UE à développer de nouvelles propositions de lois afin de réformer le droit de la concurrence et, ainsi, de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs et de permettre une meilleure organisation des exploitations de petite et moyenne taille, par exemple sous la forme d'organisations producteurs. En outre, le rapport met en exergue la signification de prix rémunérateurs.
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2010-0302+0+DOC+XML+V0//FR
Fig.1 Exemple d'un corridor de prix de référence (37 - 43 cents/kg de lait corrigé en matières grasses)
Si le prix producteurs de lait moyen à l'échelle européenne dépasse le plafond de prix, le volume de lait est majoré graduellement jusqu'à ce que le prix producteurs moyen redescende dans le corridor. Si le prix producteurs tombe en deçà de la limite inférieure du corridor, la production de lait européenne est graduellement réduite jusqu'à ce que le prix producteurs se trouve de nouveau dans le corridor. Etant donné que le prix du lait réagit déjà à des fluctuations des volumes de 1 à 2 %, si l'on observe en permanence le marché et prend les mesures qui s'imposent quant à la production de lait, seuls des ajustements mineurs seront respectivement nécessaires.
Il est important que des représentants des consommateurs soient intégrés à ce processus de manière à garantir la transparence des décisions prises et leur conformité avec les objectifs de l'instance de surveillance.
IV. Préalables
La condition sine qua non au bon fonctionnement de ce système sont la pérennité d'une limitation des volumes au sein de chaque exploitation ainsi que sa force contraignante générale qui assure que chaque membre des organisations de producteurs nationales ou régionales ainsi que les producteurs de lait individuels respectent les prescriptions de volumes. Un tel système a déjà été introduit avec le quota laitier. Dans le système existant, des modifications graduelles des volumes vers le haut et vers le bas sont déjà mises en oeuvre. Une nouveauté, à l'avenir, sera la modification des volumes en fonction de la situation sur le marché. Pour que cela puisse, à l'avenir, être plus fortement organisé selon les critères de l'économie privée par les producteurs de lait, une réglementation dérogatoire dans le droit européen de la concurrence est nécessaire. Celle-ci doit permettre aux producteurs de se regrouper en organisations de grande taille. Une exemption de groupe pour les producteurs de lait serait un bon instrument pour conforter ces derniers dans leur position sur le marché.
Avant-projet du European Milk Board : « Règlement d'exemption par catégorie pour les producteurs de lait dans le droit de la concurrence européen », sous http://www.europeanmilkboard.org/emb/positions.html
Si l'Europe se déclare disposée à restreindre sa propre production de lait, il y aura alors de bonnes chances aussi, à l'échelon de l'OMC, d'imposer le maintien de la protection vis-à-vis de l'extérieur. Ceci est nécessaire pour protéger la production de lait en Europe et, en corollaire, le marché des produits laitiers contre les importations à bon marché.
V. Mode opératoire et coûts
Hormis des coûts d'administration marginaux, le budget communautaire ne sera pas obéré par des coûts supplémentaires, contrairement aux approches alternatives comportant des éléments comme les payements compensatoires, l'intervention et les restitutions à l'exportation. Sur le plan de l'organisation et des finances, l'investissement est extrêmement faible et peut être pris en charge par tous les états membres, car l'on peut recourir à des structures existantes. La majorité des données nécessaires pour l'établissement du corridor ainsi que les autres données pour le développement du marché peuvent être obtenues par le biais des sondages exhaustifs dont on est déjà en possession, si bien qu'il ne sera pas nécessaire de dépenser de l'argent pour des sondages supplémentaires. Il suffira d'affiner les sondages, de les organiser de manière régulière et de mieux les coordonner.5 Par rapport à tous les modèles alternatifs, ce modèle est celui qui requiert, et de loin, le moins d'efforts d'administration.
VI. Mise en oeuvre pratique - alternatives
a)
Par le biais des instruments étatiques existants L'instance de surveillance communique une éventuelle nécessité d'ajustement à la Commission de l'UE, qui la fait entrer immédiatement en vigueur et qui retransmet les prescriptions à tous les états membres. Ceux-ci transposent immédiatement les prescriptions et les autorités douanières en surveillent le respect selon la procédure habituelle.
b)
Par le biais des Milk Boards nationaux Après l'arrivée à expiration de la régulation étatique des quotas, les Milk Boards nationaux peuvent prendre en charge la mise en oeuvre des prescriptions de l'instance de surveillance. Le cas échéant, les Milk Boards nationaux retransmettent les prescriptions jusqu'aux différents producteurs de lait par le truchement d'organisations de producteurs régionales. Un facteur capital pour le succès de cette stratégie qui repose sur les règles de l'économie privée est ce que l'on appelle la force contraignante générale. Celle-ci doit être transférée, par un acte juridique, de l'UE à une organisation européenne de producteurs de lait. Cela signifie que, sans exception, tous les producteurs de lait doivent respecter les prescriptions de cette organisation qui se trouve sous la responsabilité des producteurs. La « force contraignante générale » comporte donc aussi expressément le droit, pour cette organisation, de pouvoir promulguer des sanctions en cas de non-respect des prescriptions.
La Commission de l'UE procède par exemple elle aussi, tous les trois ans, à des sondages sur les coûts de la production du lait dans tous les états membres par le biais du réseau d'information des comptabilités agricoles. (http://www.ec.europa.eu/agriculture/rica/pdf/site_de.pdf) Ces analyses devraient être réalisées dans des délais plus courts et les coûts des taux salariaux et autres coûts calculatoires devraient être eux aussi pris en considération. On pourrait alors les utiliser comme base de travail pour l'instance de surveillance.
VII. Instruments de régulation des volumes
A. Réserve
En instituant une réserve de 3 à 5 % des droits de livraison, il est possible de créer une « masse de manoeuvre » permettant de réagir, sans délai et de façon non bureaucratique, face aux fluctuations survenant sur le marché.
Conditions :
- Selon la situation sur le marché, il est possible d'en libérer des quantités proportionnelles en faveur des producteurs de lait à des fins de production.
- Ces droits de livraison supplémentaires sont limités dans le temps.
- Ces droits de livraison limités dans le temps ne deviennent pas la propriété des exploitations, mais sont seulement mis à leur disposition à des fins de livraison.
- En cas de baisse de la demande, ces droits de production peuvent de nouveau être retirés sans délai et de façon non bureaucratique.
B. Suppression volontaire de volumes contre rémunération
A titre complémentaire, jusqu'à ce que l'on soit parvenu à constituer une « masse » suffisante dans la réserve, il est possible d'appliquer un programme de suppressions volontaires contre rémunération.
Conditions :
La suppression s'effectue dans le cadre d'un appel d'offres.
- La participation est limitée dans le temps et se réfère à des volumes partiels d'une exploitation.
- La rémunération peut être alimentée par les fonds publics ou d'un fonds de régulation du marché financé par les producteurs.
- Il est possible de mettre à contribution des super-prélèvements pour le financement.
C. Stockage stratégique
Il est recommandé de créer un stock de beurre et de lait écrémé en poudre, par exemple de respectivement 50 000 tonnes, limité en termes de volumes.
Motifs :
- Compensation des fluctuations naturelles saisonnières dans les livraisons de lait
- Evitement de goulets d'approvisionnement
- Empêchement efficace de la spéculation sur les produits laitiers
- Amortissement des excédents ou déficits de livraisons à court terme en cas d'ajustements nécessaires de la production
- Financement par analogie avec le programme de suppressions volontaires de volumes
Le niveau d'achat devrait se situer à la limite inférieure du corridor de prix. Ceci permettrait d'éviter une plus grande baisse du prix en attendant que l'ajustement de la production chez les producteurs fasse sentir ses effets. D'autre part, si les prix recommencent à augmenter, il est garanti que les volumes détenus en stock ne seront pas préjudiciables aux prix et puissent sans délai de nouveau approvisionner le marché. En cas de forte augmentation des prix, il est possible de desservir le marché de façon ciblée en raison du stockage stratégique jusqu'à l'extension de la production.
Ce stockage stratégique peut donc être mis en oeuvre de façon neutre sur le plan des coûts.
VIII. Acceptation du modèle
Dans le cas d'un tel modèle, le statut des producteurs et des consommateurs en sera nettement renforcé. La régulation des volumes conforte la position des producteurs de lait par rapport à l'industrie de transformation du lait, et la moins grande volatilité du marché conforte la position des consommateurs face à la spéculation dans le commerce. Le marché peut mieux fonctionner, l'instance de surveillance réunissant les préalables à cela en équilibrant les rapports de force, ce qui permet aussi d'économiser l'argent du contribuable, qui ne doit plus être dépensé pour des mesures d'exploitation des excédents ni des mesures de secours d'urgence.6 Les consommateurs peuvent tabler sur des prix stables à un niveau raisonnable. La préservation et l'édification d'une production de lait durable deviennent possibles dans toutes les régions d'Europe. De ce fait, on peut s'attendre à une grande acceptation du système en ce qui concerne l'instance de surveillance.
IX. Conclusions et perspectives à l'échelle mondiale
Une plus forte prise en considération du marché ainsi que des économies de ressources provenant du budget communautaire sont des objectifs avoués de la politique européenne. Le Traité de Lisbonne comporte la pérennisation d'un niveau de vie équitable pour les hommes qui travaillent dans le secteur de l'agriculture ainsi que la stabilisation des marchés comme objectifs de la PAC (politique agricole commune). Avec les propositions actuelles faites par la Commission de l'UE au sujet du marché du lait7, il n'est pas possible d'atteindre ces objectifs dans le secteur du lait. Les propositions ne vont pas assez loin et elles ne sont pas systématiques dans leur mise en oeuvre.8 Si l'on continue de les mettre en oeuvre de façon inchangée, les processus de concentration et d'éviction vont, bientôt, influencer encore plus fortement qu'aujourd'hui le secteur du lait dans l'UE et ils rendront impossible une production de lait durable et couvrant l'ensemble du territoire.
La politique communautaire doit se pencher de plus près sur les exemples de la pratique afin d'évaluer avec réalisme son propre cap. Ainsi constate-t-on actuellement en Suisse que la libéralisation du marché engendre de graves problèmes. Depuis l'arrivée à expiration des quotas en mai 2009, des excédents ont été produits et des montagnes de beurre d'une hauteur record se sont accumulées. La conquête du marché mondial à laquelle aspirait la production suisse est restée un rêve. Certes, les exportations ont légèrement augmenté, mais en même temps les importations ont elles aussi augmenté : les transformateurs de lait de l'UE lorgnent sur le marché suisse comme nouvelle possibilité de débouchés. Les prix producteurs sont en baisse rapide.
L'institution d'une instance de surveillance comme décrit ci-dessus s'inscrit aussi tout à fait dans le droit fil des institutions européennes qui désirent renforcer le statut des producteurs dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire. Dans la communication de la Commission de l'UE concernant la reforme de la PAC après 2013, on peut lire: «Enfin, il est nécessaire d'améliorer le fonctionnement de la chaîne d'approvisionnement alimentaire. Les perspectives agricoles à long terme ne s'amélioreront pas si les agriculteurs ne peuvent inverser la tendance constante à la baisse de leur part de la valeur ajoutée générée par la chaîne d'approvisionnement alimentaire. De fait, la part de l'agriculture dans cette chaîne est passée de 29 % en 2000 à 24 % en 2005, tandis que sur la même période, les parts de l'industrie alimentaire, du commerce de gros et du secteur de la distribution avaient toutes augmenté. »
http://ec.europa.eu/agriculture/cap-post-2013/communication/index_de.htm
Les propositions pour le marché du lait peut être consulté sous http://ec.europa.eu/agriculture/milk/index_fr.htm
Premiers commentaires dans la déclaration de presse de l'EMB du 9.12.2010 sous http://www.europeanmilkboard.org/de/special-content/news/news-details/article/press-release-the-commissionsproposals- cannot-prevent-another-milk-crisis.html?tx_ttnews[backPid]=55&cHash=259faad81b.
Une réaction détaillée de l'EMB aux propositions faites par la Commission de l'UE sera publiée sous www.europeanmilkboard.org
C'est pourquoi l'on voit déjà s'esquisser un changement de cap dans la politique suisse : 16 mois après l'abolition des quotas laitiers en Suisse, la Grande Chambre du Parlement (Conseil national) a voté, le 1er octobre 2010, en faveur de la création d'un organisme de régulation des volumes par les producteurs. Selon ce projet de loi qui doit encore être étudié par le Conseil des Etats, chaque producteur devrait continuer d'avoir la possibilité de livrer autant de lait qu'il le souhaite. Sur la quantité de lait produite au-delà de son volume contractuel, il est cependant prévu de pouvoir prélever à l'avenir une taxe d'au maximum 30 centimes (soit env. 22 cents) par litre, taxe appelée à couvrir les coûts de la vente de ces volumes sur le marché mondial à bas prix. C'est le quota de lait de la dernière année du contingentement qui sera appelé à servir de base pour le calcul du volume contractuel. Pour la Suisse tout comme pour l'UE, la règle est : en particulier lorsque l'état désire se retirer de la régulation directe des volumes, il doit assumer son obligation de donner aux producteurs de lait, qui sont les maillons les plus faibles de la chaîne alimentaire, des instruments efficaces leur permettant d'éviter des excédents de leur propre chef et sous leur propre responsabilité. L'instance de surveillance constituerait un tel instrument avec un effet stabilisateur pour les producteurs, les transformateurs et les consommateurs. L'Australie et les Etats-Unis, aussi, réexaminent actuellement leurs systèmes libéralisés afin de prévenir des prix producteurs extrêmement bas et des prix consommateurs élevés. Aux Etats-Unis, on discute déjà sur le passage à un système de gestion des volumes à l'échelon national.
Ces exemples prouvent une chose : sans régulation des volumes, rien de va plus. Il faut éviter de réitérer en Europe les erreurs commises par les pays susmentionnés. L'enjeu est beaucoup trop grand pour cela : il s'agit de la pérennité du modèle européen d'une agriculture multifonctionnelle.
„Renforcer la position des producteurs de lait sur le marché"
Règlement d'exemption par catégorie pour les producteurs de lait dans le droit européen sur la concurrence
- projet -
EMB - EUROPEAN MILK BOARD
PROPOSITION DE REGLEMENT D'EXEMPTION PAR CATEGORIE POUR LES PRODUCTEURS DE LAIT
- Résumé (executive summary) ... page 2
- Annexe: projet d'un règlement d'exemption par catégorie ... page 5
Pour les annexes « Nécessité d'un regroupement du lait, exemple de règlement allemand» et « Le règlement d'exemption par catégorie comme modèle de solution pour des associations de producteurs de lait de l'UE » veuillez voir le document orginaire en allemand s'il vous plaît.
RESUME (EXECUTIVE SUMMARY)
1. CONTEXTE
La politique agricole commune est un des domaines politiques essentiels de l'Union Européenne (UE). Le Traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE), la nouvelle version 2009 du Traité instituant la Communauté européenne, stipule dans l'article 39 (1) : La politique agricole commune a pour but [...] d'assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture ; de stabiliser les marchés ; de garantir la sécurité des approvisionnements [...].
Dans toute l'Europe, en 2008 et 2009, les recettes de lait catastrophiques ont mis la majorité des producteurs laitiers européens dans une situation très critique. Le prix du lait actuel ne couvre toujours pas les frais de production. Ce problème touche les petites exploitations comme les exploitations en croissance : on ne saurait parler de recettes ou même de « relèvement du revenu individuel ».
2. CAUSES
Cette chute des prix s'explique en partie par les excédents. Le taux d'autoapprovisionnement en lait de l'UE est de 110 %. Cet excédent affaiblit la position des producteurs laitiers. Le problème est aggravé par la spécificité du lait cru qui est une denrée très rapidement périssable et dont la production est continue (journalière).
Les producteurs laitiers ne peuvent pas modifier leur offre à court terme ni stocker leur produit pour une commercialisation stratégique.
Par ailleurs, la structure actuelle du marché laitier et de ses acteurs n'est pas favorable aux éleveurs. Les 950 000 producteurs laitiers de l'UE (2009) sont pour la plupart de petites exploitations et microentreprises. Ils sont peu regroupés et agissent seulement à l'échelle régionale. Ils se trouvent par contre face à 4500 laiteries (Eurostat 2008:4). Les dix plus importantes laiteries transforment environ 30% de la production de lait (LEI Wageningen 2006:13). Les transports transfrontaliers de lait cru du producteur à la laiterie ou entre laiteries au sein de l'UE ne sont pas des cas rares. Par ailleurs, la forme actuelle des contrats de lait ne donne quasiment aucune possibilité aux producteurs laitiers d'influer directement sur les prix appliqués sur le marché, cela rend difficile de par leur long terme la flexibilité sur le marché.
3. APPROCHES DE SOLUTIONS
Le « Bundeskartellamt », l'Office allemand des cartels, examine actuellement le marché laitier et constate dans son rapport intermédiaire de décembre 2009 la position défavorable dans laquelle se trouvent les producteurs laitiers en Allemagne. Ce rapport propose un renforcement de la position des producteurs par le biais d'un plus fort regroupement. En Allemagne, il existe depuis 1969 une loi sur la structure du marché qui permet de renforcer la position des éleveurs par la création d'associations de producteurs laitiers (APL/MEGs) tout en restant conforme à la loi sur les cartels. C'est sur cette base que s'est créé en 2007 le MEG Milch Board w.V., qui représente en premier lieu un regroupement national ayant pour objectif la mise au point commune de règles de commercialisation.
L'actuelle législation européenne sur la concurrence limite les GPL européens à un pourcentage de 5%, en l'occurrence 15% du marché. Le Groupe d'experts de haut niveau sur le lait estime ce taux insuffisant. Lors de sa conférence du 16 mars 2010, la majorité des États membres s'est prononcée pour un règlement d'exemption à la législation sur les cartels pour les producteurs de la filière laitière. Cette revendication a été reprise également dans le rapport final du 15 juin 2010 (2e recommandation).
Le Règlement d'exemption par catégorie offre la base juridique idéale pour instaurer un règlement spécifique d'exception à la législation européenne sur la concurrence qui autorise la collaboration horizontale des producteurs laitiers et leur permette de définir des règles communes de commercialisation. De telles exceptions juridiques ont été fréquemment adoptées dans le passé pour des coopérations entre moyennes entreprises. Vu que pour la majorité des producteurs laitiers européens, et exploitations sont des entreprises exclusivement familiales, elles sont à classer en petites et moyennes entreprises (PME) selon la législation européenne. Pour ces exploitations, la coopération horizontale est un moyen d'action important pour s'adapter aux conditions changeantes du marché.
4. RESUME
En raison de ses particularités structurelles, le secteur de l'agriculture en général et les unions de producteurs agricoles en particulier bénéficient déjà d'un certain traitement de faveur dans les règlements européens sur la concurrence. La crise persistante de la filière laitière montre toutefois que le cadre juridique en place n'est toujours pas suffisant pour les producteurs laitiers.
Pour compenser les inconvénients que représente la commercialisation du lait cru et assurer à l'avenir une concurrence non faussée entre les producteurs laitiers et les laiteries, un règlement d'exemption par catégorie pour producteurs laitiers est une mesure adéquate. En appliquant des règles de commercialisation communes (p. ex. en recommandations de prix, qualité et quantité) au sein d'un groupement européen de producteurs laitiers, les éleveurs peuvent empêcher que les grandes entreprises de transformation profitent de la situation pour les monter les uns contre les autres.
La législation européenne sur la concurrence continuera d'empêcher tout abus de position dominante. Un Règlement d'exemption par catégorie s'appliquant aux groupements européens de producteurs laitiers permet une régulation intelligente du marché par les acteurs eux-mêmes. Il est de plus neutre en terme de coûts et rend superflus les programmes financiers de secours mis en place par les politiques.
PROJET
d'un règlement (UE) n° .../2010 DE LA COMMISSION du [...] 2010 sur l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords horizontaux et de pratiques concertées des producteurs laitiers
LA COMMISSION EUROPEENNE
vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne
vu le règlement n° 19/65/CEE du Conseil du 2 mars 1965 concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords et de pratiques concertées et notamment son article 1er, après publication d'un projet du présent règlement après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit :
(1)
En vertu du règlement n° 19/65/CEE, la Commission est compétente pour appliquer, par voie de règlement, l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (« du TFUE ») à certaines catégories d'accords horizontaux et de pratiques concertées correspondantes relevant de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE. Les règlements d'exemption par catégorie concernent les accords horizontaux répondant à certaines conditions et peuvent s'appliquer en général ou uniquement à certains secteurs.
(2)
En raison de ses particularités structurelles, le secteur de l'agriculture en général et les associations d'exploitations agricoles en particulier bénéficient d'un certain traitement de faveur (mais non sans restriction) dans les règlements européens sur la concurrence.
(3)
Le traité sur le fonctionnement de l'UE stipule à l'article 39, paragraphe 1, que la politique agricole commune a pour but d'assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture, de stabiliser les marchés et de garantir la sécurité des approvisionnements. Dans toute l'Europe, les ventes de lait à un niveau non rémunérateur ont depuis 2008 mis la majorité des producteurs laitiers européens au bord du gouffre. Le prix du lait actuel continue à ne pas couvrir les frais de production. Ce problème touche autant les exploitations de petite taille que celles en croissance. Depuis 2008, il ne saurait être question pour les producteurs laitiers de gain ni de relèvement du revenu individuel.
(4)
Le règlement du Conseil 1184/2006 (du 24 juillet 2006, JOUE 2006 L 214/7 du 04.08.2006) donne des consignes sur l'application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce de produits agricoles. Il est constaté dans l'art. 2 que l'interdiction d'entente définie à l'art. 81 paragraphe 1 CE (maintenant art. 101 paragraphe 1 du TFUE) ne s'applique pas en particulier aux accords, décisions et pratiques d'exploitants agricoles, d'associations d'exploitants agricoles ou d'associations de ces associations ressortissant à un seul État membre, dans la mesure où ils concernent la production ou la vente de produits agricoles. Ce règlement définit toutefois des seuils de parts de marché qui sont bas et se limite à des accords sans prix de vente imposés. Ce règlement ne peut donc aider les producteurs laitiers puisque les seuils de parts de marché sont trop bas et qu'il devrait de plus autoriser des conditions de vente communes dont entre autres des prix minimum de vente garantissant une production couvrant les frais.
(5)
Le règlement du Conseil 1234/2007 (du 22 octobre 2007, JOUE 2007 L 299/1 du 16.11.2007) stipule dans l'art. 176 paragraphe 1, que l'art. 81 paragraphe 1 CE (maintenant art. 101 paragraphe 1 du TFUE) ne s'applique pas en particulier aux accords, décisions et pratiques d'exploitants agricoles d'associations d'exploitants agricoles ou d'associations de ces associations ressortissant à un seul État membre dans la mesure où ils concernent la production ou la vente de produits agricoles, à moins que la Commission ne constate qu'ainsi la concurrence est exclue ou que les objectifs de l'article 39 du TFUE sont mis en péril (le dit privilège de coopérative). Ce privilège s'adresse aux exploitants agricoles qui opèrent au niveau de la production primaire et/ou du premier échelon de transformation. Les producteurs de lait cru entrent donc dans le champ d'application de cette dérogation. Ici aussi s'applique la restriction sous forme de seuils de parts de marché bas et d'accords sans imposition de prix. Pour défendre les intérêts des associations de producteurs laitiers, il serait nécessaire de rehausser les parts de marché et de prévoir l'adoption de conditions de vente communes englobant des prix minimum qui permettent la couverture des frais de production.
(6)
La Commission est d'avis que les dérogations actuelles ne suffisent pas, pour autant qu'elles concernent les associations de producteurs laitiers. Depuis 2008, les producteurs laitiers sont exposés à une concurrence qui les ruine et qui met leurs exploitations en péril, les laiteries puissantes et à fortiori la distribution alimentaire aux mains des grands groupes ne sont ainsi prêtes à payer aux producteurs qu'un prix non rémunérateur. Les producteurs laitiers n'ont actuellement aucune possibilité de se défendre contre de telles conditions. Il leur est en particulier impossible, en raison de leur faible niveau d'organisation, d'imposer des conditions de vente communes et d'assurer des prix d'achat du lait cru qui puissent au minimum couvrir tous les frais.
(7)
La Commission se rallie aux recommandations du groupe d'experts de haut niveau sur le lait qui sont définies dans le rapport final du 15 juin 2010. Le groupe d'experts de haut niveau recommande ici à la Commission de lancer une initiative législative et de concevoir un règlement soumis à une décision majoritaire qui mette les associations de producteurs laitiers en position de pouvoir négocier leurs contrats de livraison, prix compris, pour un certain nombre ou l'ensemble de leurs membres, des limites acceptables pour le marché devant être ici également définies. Il serait par ailleurs à clarifier si un tel règlement devrait s'appliquer sur la durée ou limité dans le temps. Il faudrait toutefois vérifier l'impact de ce règlement au bout d'une certaine période. Un tel règlement représenterait une dérogation à l'interdiction générale des ententes telle que définie à l'art. 101 paragraphe 3 du TFUE, une dérogation limitée à 10 ans.
(8)
En raison des particularités du secteur laitier et aux vues des dérogations déjà en vigueur, il est à recommander de fixer les seuils de parts de marché, au prorata du présent règlement, à 30 % du marché européen et de prévoir que les associations de producteurs laitiers dépassant cette part de marché à l'échelle européenne ne puissent pas profiter du bénéfice du présent règlement car cela risquerait de représenter une restriction démesurée de la concurrence résiduelle. La même restriction s'applique en cas d'une restriction totale de la concurrence due à d'autres raisons résultant de l'application de ce règlement ou en cas d'acteurs du marché se voyant refuser l'accès au lait cru.
(9)
La Commission suivra de près les développements du secteur laitier pour éventuellement prendre les mesures correctives adéquates en cas de problèmes de concurrence qui surviendraient en rapport avec ce présent règlement en raison de pratiques d'associations de producteurs laitiers portant préjudice aux consommateurs.
(10)
Pour évaluer les répercussions de ce règlement sur la concurrence au sein du secteur laitier, il devrait être rédigé conformément à la recommandation du groupe d'expert de haut niveau sur le lait un rapport d'évaluation sur l'application du présent règlement avant son expiration.
a adopté le règlement suivant :
Art. 1
Définitions
(1)
Aux fins du présent règlement, on entend par :
a)
« accord horizontal » un accord ou une pratique concertée entre deux ou plusieurs entreprises opérant chacune, aux fins de l'accord ou de la pratique concertée, au même niveau de la chaîne de production ou de distribution, et relatif aux conditions auxquelles les parties peuvent acheter, vendre ou revendre certains biens ou services ;
b)
« Producteurs laitiers » sont des entreprises et exploitations du secteur laitier qui opèrent dans la production du lait cru ;
c)
« Lait cru » est le lait trait des vaches laitières, un lait non transformé.
(2)
Aux fins du présent règlement, les termes « producteurs laitiers », « fournisseurs » et « acheteurs » comprennent leurs entreprises liées respectives.
Art. 2
Exemption
Conformément à l'art. 101 paragraphe 3 du TFUE et sous réserve des dispositions du présent règlement, l'article 101, paragraphe 1 du TFUE est déclaré inapplicable
aux accords horizontaux, décisions et pratiques de producteurs laitiers ou d'associations de producteurs laitiers ou d'associations de ces associations ressortissant à un seul État membre et qui répondent aux conditions sous lesquelles les producteurs laitiers fournissent vendent ou écoulent de quelle manière que ce soit le lait cru, dans la mesure où ne sont pas remplies les restrictions caractérisées citées à l'article 3 de ce présent règlement.
Art. 3
Restrictions retirant le bénéfice du règlement d'exemption par catégorie.
Restrictions caractérisées.
L'exemption prévue à l'article 2 ne s'applique pas aux accords horizontaux des producteurs laitiers si
a) l'association de producteurs laitiers a à l'échelle européenne une part de marché supérieure à 30 % ;
b) les accords contiennent des conditions de vente entraînant une exclusion totale de concurrence entre les producteurs laitiers ;
c) les accords contiennent des conditions de vente fermant durablement l'accès au lait cru à certains acteurs du marché.
Art. 4
Surveillance et rapport d'évaluation
La Commission surveillera l'application de ce règlement et rédigera un rapport d'ici au 30 novembre 2018 tout en tenant compte en particulier des conditions définies à
l'art. 101 paragraphe 3 du TFUE.
Art. 5
Période de validité
Ce règlement entre en vigueur le 1er décembre 2010.
Il expire le 30 novembre 2010.
Bruxelles, le [...] 2010
Pour la Commission [...]